Les Cercles de Paroles

Par le dialogue et les connexions, les participant·s interagissent, échangent des idées et contribuent de manière dynamique à “l'œuvre société” formant un réseau d'apprentissage collectif. Ces choix de posture adoptés par nos projets d’expérimentation sociétale (Hello Marseille, Permaculture Villageoise, Sillon, projet PlanB) trouvent écho dans l’éducation populaire et les théories modernes de l’éducation étudiées en université telles le cybernétisme ou le connectivisme mais plus au sens social que technologique. Des mouvements citoyens portent ces philosophies dans notre vie de tous les jours en luttant pour notre liberté d’information et d’expression, la culture libre d’internet ou l’accès aux savoirs pour tous. En facilitant la posture d'apprenant et de sachant, l’éducation populaire crée un espace d'échange réciproque, où l'apprentissage est partagé et enrichi par les contributions et les expériences de chacun·e.

Lors d’Un été à Peyzé, nous avons essayé d’instaurer le “cadre libérateur”. Cette proposition est bien sûr explorée, malaxée, façonnée, tordue comme du métal sur la forge, on a tenté de lui donner la bonne courbure pour notre groupe. Le dilemme du cadre libérateur est de savoir à quel moment le cadre est approprié ou justifié à la situation et à quel moment l'enjamber pour aller plus loin.

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L’autogestion laisse grandement place au dialogue et à l'expérimentation. Un certain chaos créatif peut être malaisant lorsqu’on a pas l’habitude d’accepter d’aller vers l’inconnu pour mieux s’y découvrir, d’aller en dehors de sa zone de confort se confronter à ses doutes et certitudes. A plusieurs, quand on se connait et qu’on se fait confiance, cela est certes plus facile, plus rassurant. Ce joyeux désordre nous décale de nos réalités habituelles et vient bousculer nos fondements par un jeu de miroirs qui met en lumière des aspects de nous-mêmes inattendus et parfois même insoupçonnés.

En faisant la popote ou à travers les activités de la journée, les participants apportent chacun·e leur petit grain de sel. Nous découvrons par exemple la construction d’un four à poterie primitif. Par chance, à Peyzé, la terre est argileuse. Tout d’abord, nous écoutons assidûment les explications puis, ensemble on creuse le trou du foyer, on dispose les briques, et on enduit avec un mélange terre paille le tout.. (Retours d'expérience, Un été à Peyze 2025)

Pour que ce cadre libérateur reçoive la compréhension de tout le monde, mieux vaut s’accorder sur les mots et concepts précis qui lui donnent tout son sens. Quand des individus se rencontrent, ils viennent chacun·e avec leurs référents, leur raison et leur vocabulaire. Ces référents individuels se mélangent et entrent en résonance, révélant la puissance du jeu des miroirs qui permet de se reconnaître un référent collectif. Chaque vision étant unique, même notre compréhension des mots nous ramène à la diversité sémantique dans un groupe issu de cultures et de territoires variés et c’était notre cas à Peyzé avec des participants d’horizons ou continents différents. On ne peut ignorer la dérive sémantique dans notre société en mutation rapide. Ne serait-ce que sur les termes de consensus et consentement, dans un groupe de six personnes on trouvera peut-être sept définitions.

La grenouille au fond du puit peut tourner longtemps à la recherche d’une porte de sortie, si toutes les autres grenouilles qu’elles y croise sont comme elle. Elles peuvent se mettre à se suivre les unes les autres jusqu’à tourner en cercle indéfiniment en croyant avancer vers une sortie.

Nous en sommes venu à développer un jeu de carte comme support pédagogique afin de poser le vocabulaire commun de notre culture d’autogestion. On peut revoir concept par concept la signification des mots et des idées au sens utilisé dans nos discussions. C’est assez fascinant déjà de voir nos décalages de visions, mais en plus de voir l’harmonisation que le dialogue amène, d’observer l'émergence d’une cohésion de groupe. Les cartes peuvent animer des débats, aider à expliquer les bases des cercles de paroles. En prenant plusieurs cartes, on montre comment autogérer l’intelligence collective et aboutir à des décisions qui rassemblent tout le monde. L’important n’étant pas de trouver la définition exacte mais surtout de se mettre d’accord sur le choix d’une culture commune pour porter notre action..

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